Peut-être bien que les hommes après tout
ne sont pas faits pour vivre dans les maisons
mais dans les arbres
et encore
pas comme l'écureuil ou le singe d'Afrique
qui sont des enfants espiègles et craintifs
mais comme les oiseaux
et encore
pas comme le loriot bavard ou le geai plus rouge
qu'un chien de ferme et plus insupportable
qu'une porte qui grince
mais comme les oiseaux de haute volée de longs voyages
qui n'y viennent que pour le repos
éxanger quelques nouvelles lier connaissance
et prendre un peu de sang nouveau
avant de s'enforcer dans le silence et l'anonyme
gloire du ciel
loin
de ces routes toutes tracées pour le commerce des choses
et la bonne marche des entreprises de démolition
de ces routes dressées contre l'aventure et le rêve comme les bêtes de cirque
(et la plus sauvagement belle rentre le soir
dans sa maison qui roule
et se démaquille
devant le miroir d'eau âcre
tandis que le dompteur déjà s'agite sur sa couche
comme pris dans les rêts du remords
ou suspendu par son propre fouet
aux solives de la nuit)
loin
de ces routes à coups de serpe dans la mémoire du désert
et dans la langue des collines
et jusqu'à cette légendaire sylve inexpugnable
qui s'en va crachant ses poumons
loin
de ces routes qui mènent l'homme à contre-ciel
toujours plus loin de la lumière dépossédé
plus pesant que les pierres
qui l'encerclent et le coiffent
plus léger que feuille morte dans l'air
sans pouvoir sur le vent ni connaissance
de l'arbre et de sa destinée
et plus pauvre que chien battu sans raison
sinon derrière la nuque du maître
la brûlure lus vive chaque soir
de l'épée du vide qui menace.
Goffette, Guy. Éloge pour une cuisine de province suivi de La vie promise. – Paris: Gallimard, 2000. – P. 25–26.