le Livre ouvert par Satan à Erasmus
la pauvre chasse à la licorne a réussi
les petits enfants pleurent, tous à genoux
la Vierge à la couronne dans les cieux perdue
assis sur le Mont des myrtilles, j'ai péché
par la parole, le chant et l'idée du Dieu caché
le mont bleu à travers la brume bleue
un bercement doux, quel sommeil, que diable
la géographie secrète a changé le temps
plus d'entrée dans ton rêve depuis longtemps
je me cogne aux seuils, aux portes, aux grilles
des confessionnaux, des théâtres – qui dévore ? qui pille ?
qui le matin dans le ciel fait monter le larron
où sont les Celtes, les Francs, les Bretons, les Lettons
que diantre qu'est-ce que je griffonne ici, dis-moi
réveille-moi, replace-moi dans le rêve ; ou tue-moi
Burlington (dehors, un coin du petit bassin de Barnes & Noble Booksellers; fouteuil de la librairie), Middlebury, 2000.V.24–25
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 35. – (Levée d'ancre).
– Je voudrais un verre de vin.
Marguerite Duras
il se cure les dents devant la porte
il observe la danse du ventre
des Arabes grasses aux seins pendants
après la soirée, lui, il tremble
un verre de vin matinal
et les doigts cessent de trembler
et la voix creuse, enrouée
guérit et se désserre
la voix en toute liberté
s'enfuit aux petits pas de la danseuse
et un jeune chien grisâtre
joue avec un bout de chair rouge
Middlebury (sur un petit banc près d'une fontaine), Burlington, 2000.V.22
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 34. – (Levée d'ancre).
la blanche étreinte de la nuit
le noir baiser du jour
le reniement troisième de celui
qui n'était qu'une pierre
la soupe aux pois de ma mère-grand
épaisse comme la brume de Londres
jusqu'à l'an cinquante-six
où l'on a fini le charbon
rien que la Grande Puanteur
et quelle, pleins d'odeurs
les paniers du potager
du couvent des bénédictines
comme se fanent fleurs et feuilles
carottes et femmes se rétrécissent
et se cristallisent en pierres précieuses
dans la mémoire ou dans la bile
Middlebury, 2000.V.21–22
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 33. – (Levée d'ancre).
Bernard Shaw la barbe rouge
et un chien galeux sans nom
à poil dur, venant des cahutes
il se rit de ce triste tableau
le paon danse, personne ne le voit
seule le jet d'eau à langue pointue
qui scintille au soleil, le chien
au pelage hérissé, tout honteux
feu, la tour dans le ciel vole
qui le vénère, par quels mots
la loco coupe une rase campagne
et va bientôt gravir une montagne
le paon danse dans la cour
avec sa queue large d'aurore
le paon danse et boivent les convives
et les cosaques de Kandinsky et
les barbes rouges et leurs parisiennes
Middlebury, 2000.V.20
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 32. – (Levée d'ancre).
il y avait Georges le patron
à la cuirasse peau de dragon
vieux sont les ventres des cygnes
peints en vert sur la fontaine
le jet d'eau était bleu
Londinium, Londres, tripots
le Juif errant, sauvage
coeur joyeux et volage
il y avait un marbre verdâtre
monnaies d'airain ternes bleuâtres
à la queue-serpent un griffon
serpentant à travers le blason
de quoi est-il malade, le griffon
la Grande puanteur se levant
les sénats et les conseils étouffant
et les ormes cristallins se fanant
les enclaves d'art, salles dévastées
images de terres vagues et rasées
dessine-moi une fontaine, Dilani
où les morts jouent avec les dieux
Middlebury, 2000.V.19
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 31. – (Levée d'ancre).
ce matin-là – chant d’un cercle serein
la fin du monde chante ta fin
la vie coule toujours dans tes veines
sans peut-être jamais s’arrêter devant
une limite probable, il est clair
encore une fois rien n’est clair
tu écris des cartes, tu te réveilles
en nage, le matin, tu fais un pas
en rond, en rond, le cercle soutient encore
par habitude, hors du cercle – fini le temps
Fabijoniškės, 2003.III.17
Braziūnas, Vladas. Būtasis nebaigtinis = Imparfait / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė. - Vilnius: Petro ofsetas, 2003. - P. 47;
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 28. – (Levée d'ancre).
que fait l’âme quand les mains
vers la pomme d’adam se tendent
quand les pieds avancent à peine
évitant déjà des lointains et des distances
que fait l’âme quand le corps
défend son impasse
quand les mailles filées des bas
derrière une meule de pierre se cachent
que fait l’âme quand le soir
chaud sur les genoux ronronne
l’oeil de Dieux la toile d’araignée
le tourbillon de poussière vacille
que fait l’âme quand la tricoteuse
deux points à l’endroit, quatre à l’envers
l’âme endormie par le soir
ou éveillée, sans pleurs
Fabijoniškės, 2003.III.15
Braziūnas, Vladas. Būtasis nebaigtinis = Imparfait / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė. - Vilnius: Petro ofsetas, 2003. - P. 45;
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 27. – (Levée d'ancre).
oh, les nuits de nos amours, débuts des mots
nommer les mots, le chêne et les dieux
regarder le ciel à travers un éclair
à peine entrouvert, qu’ils sont larges
leurs fronts et leurs yeux, que voient-ils
et qu’en pensent-ils, de nous deux
que leur importent les nuits de nos amours
que leur importe mon bon bec
une flèche d’éclair va lancer les noms au ciel
ceux, nommés, auront-ils le temps de revenir
reconnaîtra-t-on leur nature
le matin sous le chant de rossignol
le destin des dieux – cet involontaire exil
où le vin de folie est si bon
Fabijoniškės, 2003.III.9–10 (2.14)
Braziūnas, Vladas. Būtasis nebaigtinis = Imparfait / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė. - Vilnius: Petro ofsetas, 2003. - P. 43;
Braziūnas, Vladas. „oh, les nuits des nos amours, débuts des mots...“ / Traduit par Genovaitė Dručkutė // Naujoji Romuva. – 2003. – Nr. 3. – P. 73. – Tekste [p 72–73]: A.K. [Konickis, Andrius] „Nors memačiau Vlado Braziūno berods nuo pavasario knygų mugės Vilniaus mokytojų namuose…“. – Anot.: Braziūnas, Vladas. Karilionas tūkstančiui ir vienai aušrai: poema. – Vilnius: Kronta, 2003;
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 26. – (Levée d'ancre).
nous sirotions une bière épaisse
faite de l’argile ancestrale
le va-et-vient de la cruche
les voix s’élevant jusqu’au toit
la chanson sonnait non la nôtre
les hanches roulaient non les tiennes
la fleur bleue de lupin
là-bas à l’orée du bois
le jour naissait et le vent
sur le lac des moines
nous ne bougions pas, nous ne voulions rien
à travers les larmes
Fabijoniškės, 2002.X.10–14
Braziūnas, Vladas. Būtasis nebaigtinis = Imparfait / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė. - Vilnius: Petro ofsetas, 2003. - P. 41;
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 25. – (Levée d'ancre).
à Vilnius, il neige, la nuit
des égarements de l’été
excusez-nous, du beau
sourire, des bouts de doigts
loin des lèvres, du jour
éteint sur l’oreiller
des agrostis sont tes cils
un ruisseau est ta tempe
la tristesse descend et bat
la mémoire de ce qui n’a pas été
sur les traces du non-venu
un mince sillon de neige
Fabijoniškės, 2002.X.1
Braziūnas, Vladas. Būtasis nebaigtinis = Imparfait / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė. - Vilnius: Petro ofsetas, 2003. - P. 39;
Braziūnas, Vladas. Grandes sont les nuits / Traduit du lituanien par Genovaitė Dručkutė, Asta Uosytė-Būčienė et Marc Fontana. – Paris: L'Harmattan, 2007. – P. 24. – (Levée d'ancre).